La tradition de l'Eglise et l'Ecriture Sainte
La formation du canon nous pose une question. Si c'est l'Eglise des premiers siècles qui l'a fixé, ne peut-on pas dire, avec l'Eglise Catholique Romaine, que l'autorité de l'Eglise est égale à celle du Nouveau Testament, que la tradition de l'Eglise a priorité, au moins dans le temps, sur l'Ecriture ?
Il faut reconnaître le rôle joué par la tradition orale dans l'Eglise primitive, surtout avant la rédaction du Nouveau Testament. Le message des apôtres a d'abord été prêché et enseigné de vive voix avant d'être écrit. Vers le milieu du IIème siècle, Papias, évêque de Hiérapolis, déclarait : " Je ne pensais pas pouvoir retirer autant de profit de la lecture des livres que des déclarations d'une voix vivante et pré sente". Mais Papias avait personnellement entendu l'apôtre Jean de son vivant. Cette rencontre l'avait marqué.
Dans un monde où l'écriture était largement répandue mais où les livres étaient chers et difficiles à reproduire et à diffuser, on transmettait plus volontiers un message oralement que par écrit.
C'est ce qui explique que les premiers chrétiens n'aient pas éprouvé le besoin d'avoir des Evangiles écrits dès la naissance de l'Eglise à la Pentecôte. On pouvait entendre les apôtres - et on pouvait se fier à sa mémoire plus que nous ne pouvons le faire aujourd'hui, habitués que nous sommes à tout mettre par écrit.
Tant que les apôtres étaient en vie, la tradition orale suffisait dans bien des cas à répandre la Bonne Nouvelle. En cas de doute, on pouvait faire appel à ceux qui avaient reçu le message du Seigneur lui-même. Il faut cependant noter que, très tôt, les apôtres ont jugé bon d'écrire des lettres aux Eglises dont ils étaient séparés et que l'Evangile a été mis par écrit moins d'une génération après la mort de Jésus.
Mais quand les apôtres, témoins de ce que Jésus avait fait et dit, ont commencé à disparaître, pouvait-on continuer à se fier à un message transmis oralement, donc susceptible de déformations ? Les apôtres n'étaient plus là pour assurer que la prédication et l'enseignement de l'Eglise étaient bien conformes à ceux de Jésus. Pour éviter de s'écarter de " la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes " (Jude 3), pour garder " le bon dépôt " (2 Timothée 1 :14), l'Eglise a été amenée à se donner à elle-même une règle, qui n'était autre que le témoignage des apôtres, mais écrit, donc fixé, immuable.
Les apôtres en effet ont joué un rôle irremplaçable dans la révélation. Dieu s'est révélé à un moment donné de l'histoire dans la personne de son Fils. Pour que les générations futures puissent connaître cette " Parole de Dieu " (Jean 1 :1-14 ; Hébreux 1 :1 ), il fallait que les témoins des actes et des paroles de Jésus les transmettent à d'autres (Luc 1 :2 ; Jean 21 :24 ; 1 Jean 1 :1-4). Rien ne pouvait remplacer ce témoignage apostolique ; en tant que témoins de Jésus, les apôtres ne pouvaient avoir de successeurs. Pour que leur témoignage ne disparaisse pas avec eux, il fallait qu'il soit écrit. Le Nouveau Testament, c'est ce témoignage écrit. C'est la seule tradition vraie et sûre, puisque c'est par elle que nous a été transmis ce que Jésus a fait et dit.
En fixant le canon du Nouveau Testament, l'Eglise d'autrefois a reconnu une autorité qui lui était supérieure, à laquelle elle devait sans cesse se référer. " Loin de pro clamer sa propre autorité, l'Eglise a en réalité accompli un acte de soumission et d'humilité. Elle s'est liée elle-même pour se préserver de toute tentation d'ajouter quoique ce soit au dépôt de la révélation. Par la fixation du canon, l'Eglise se proclamait Eglise de l'Ecriture ".
Comment ne pas voir là l'oeuvre du Saint-Esprit, donnant à toutes les générations chrétiennes un fondement solide pour la foi, " afin que nous reconnaissions la certitude des enseignements que nous avons reçus " (Luc 1 :4).
D'après lueur.org de la FEEBF